Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 03 février 2007

Voiliers de course, des protos à l'équipement unique


Jean-Pierre Dick et son nouvel "appendice"
En mer cela signifie : des manoeuvres
supplémentaires pour le solitaire

Jean-Pierre Dick vient de mettre à l'eau son nouveau voilier (60 pieds open IMOCA) bourré d'innovations dont certaines, en particulier à l'intérieur, sont encore tenues secrètes. D'autres innovations sont plus difficiles à cacher comme les flaps orientables sous la voûte arrière (voir photo ci-contre).


Si ce système fait ses preuves, les bateaux à voile de compétition s'enrichiront d'un nouveau type de manoeuvre. Voici un petit inventaire des parties mobiles qu'on ne trouve que sur les voiliers de course au large, plutôt tendance monocoque. De nombreux mécanismes à régler en permanence une fois en mer, bonjour le boulot pour un solitaire !


- les ballasts (réservoirs d'eau)
- la quille pendulaire (qui s'incline au vent pour limiter la gite)
- le mat aile qu'il convient de faire pivoter sur son axe vertical pour affiner le bord d'attaque de la grand-voile (sur certains bateaux comme les trimarans, aussi menés en solo, on peut, en plus de jouer sur le profile, incliner le mat sur les côtés pour augmenter la surface de voile exposée au vent)
- les dérives, souvent au nombre de 2 pour éviter de "glisser" latéralement sur l'eau sous la pression d'un vent de côté (là aussi sur certains bateaux il y a du taf en plus pour un solitaire : les trimarans par exemple possèdent des foils qui se terminent par un volet orientable)
- les safrans (même sur les monocoques les doubles safrans sont devenus un classique pour améliorer le contrôle à la gite, et pour diminuer la traînée il faut remonter le safran qui ne travaille pas ou moins; comme sur un bon vieux catamaran de sport par petit temps)
- à ces manoeuvres s'ajoutent des petits détails de gréement qui sont le propre des voiliers de compétition (du relativement récent comme le hook pour réduire la compression sur le mat, au plus ancien comme le Cunningham qui est loin d'équiper tous les voiliers de croisière, en passant entre autres par les délicats haubans mobiles que sont les bastaques)
- et cette liste de parties mobiles à régler sur un voilier de compétition n'est pas exhaustive, on peut ajouter pour certains d'entre eux les bouts dehors articulés (comme sur les mini 6,50) ou encore le nouveau dispositif (flap, trim ?) inventé sur Virbac-Paprec, sachant que certains équipements existant n'ont pas encore été portés sur les voiliers manoeuvrés en solitaire (safran canard comme sur les maxi monocoques, chariot de voile d'avant réglable latéralement comme sur les Class America ...).

 

Au regard de cette liste, on comprend mieux pourquoi les voiliers de compétition possèdent une image "d'usines à gaz" auprès des plaisanciers. Le grand public lui ignore tout de ces très nombreuses subtilités : les machines lui sont étrangères, il n'a d'yeux que pour les marins.

Revenons sur l'eau ! Et dire que certains voiliers équipés de tous ces bazars sont manoeuvrés par un homme seul, autour du monde et sans escale : quelle débauche de manoeuvres et de réglages pour un solitaire ... mais la victoire est à ce prix !


D'ailleurs ce n'est pas tout d'être hyper actif et d'avoir de gros bras encore faut-il avoir la tête bien faite pour "inventer la vie qui va avec" tous ces équipements nautiques. A ce propos j'ai une pensée émue pour Jean-Pierre Dick qui, avec son équipe, a un peu de boulot sur la planche (à dessin) et sur l'eau pour trouver le mode d'emploi d'une innovation pareille !

 

mardi, 12 décembre 2006

Tof : 1ière navigation en solo


Première sortie en solo ...
un surf à plus de 13 noeuds,
sueurs froides garanties

Voici le second épisode des aventures de Tof pour la saison 2. Ce carnet de bord est mis en ligne avec un peu de retard pour de nombreuses raisons (de bonnes - Liens de Mer était en sommeil car j'ai rejoint Tof à bord de Chekspire pour passer ces 2 dernières semaines au soleil - et de moins bonnes - les ports USB se font rares dans les cybercafés canariens -). Je m'en excuse mais l'essentiel est préservé : Tof nous fait une nouvelle fois vibrer avec ses mots et son regard au rythme de ses découvertes de la grande croisière.

 

Dans cet épisode il est en particulier question de sa première expérience de navigation en solitaire sur son voilier de 12m50. En effet Tof a décidé de se lancer pour voir de quoi il était capable avant l'arrivée de sa petite famille. Il nous conte donc ses aventures toujours richement illustrées avec sa patte à lui : une plume mêlant poésie, humour et pédagogie à l'image de l'extrait du jour ...



"Je mouille le bateau derrière un allemand antipathique (encore !). Parenthèse lexicale : effectivement les terriens avisés noteront qu’un bateau dans l’eau est déjà mouillé. Tout à fait Thierry. Ce n’est donc pas le navire ni l’équipage qu’on mouille mais son ancre plus un maximum de chaîne dans l’espoir de rester sur place malgré vent et courants."


Retrouvez l'intégralité du carnet de bord de Chekspire Episode 2 - Saison 2.

jeudi, 23 novembre 2006

Route du Rhum, analyse d'une victoire


Yvan Bourgnon expert ...
en navigation très tendue !
Sa victoire à lui sur cette Route du Rhum 2006 ?
Avoir terminé sa première transat en trimaran !

Alors que la Route du Rhum 2006 touche à sa fin, je cherche toujours à comprendre "le pourquoi et le comment" de la victoire si éclatante de Lionel Lemonchois dans la catégorie reine des trimarans 60 pieds. Cette victoire a surpris et réjouit tant de monde dans le microcosme de la voile héxagonale que je pensais trouver une analyse approfondie de cette première place sous la plume d'un autre ... En son absence j'ai décidé d'effectuer une synthèse des facteurs de cette victoire sans appel avec en bonus un éclairage personnel (*).

 

La victoire d'un solitaire, c'est aussi celle d'une équipe

Franchir la ligne en vainqueur n'est possible que grâce à un enchaînement d'éléments dont certains sont extérieurs au marin qui prend le départ. Reprenons cette chaîne de valeurs en y ajoutant un petit grain de "sel" :

- zéro soucis technique sur Gitana XI, consécration du travail de toute une équipe : merci au cabinet d'architectes VPLP pour la conception, aux chantiers navals CDK et Gepeto pour la construction, aux préparateurs du Gitana Team (shore team dans lequel il faut inclure le précédent skipper de Gitana XI : Frédéric Le Peutrec) pour l'entretien voire les améliorations apportées au voilier

- des conditions de navigation très favorables permettant de "pulvériser" (pour une fois le mot n'est pas galvaudé) le temps record de l'épreuve. Si on entre dans les détails : une météo presque idéale (du vent portant mais pas trop, fort juste comme il faut, la seule amélioration possible ? la petite mole du départ) + des nuits claires grâce à une lune montante (lors des manoeuvres en solo la présence lumineuse de la lune ça change tout !)

- pour le routage, une stratégie parfaite jonglant avec les phénomènes météo, quasiment sur la route directe, merci à Yann Guichard

- bravo à Loïck Peyron pour avoir "rappelé" au sein du Gitana Team Lionel Lemonchois

- merci aussi au Baron et à "ses financiers" qui ont apporté le budget !

 

Une victoire signée Lionel Lemonchois

Pour expliquer cette victoire les médias parlent aussi du skipper Lionel Lemonchois himself, un skipper qui a su imprimer un rythme effréné à cette transat, un train d'enfer que les autres marins ont clairement subi. Certains d'entre eux d'ailleurs le reconnaissent volontiers une fois la ligne d'arrivée franchie : ils étaient "à la ramasse", incapables d'appuyer d'avantage sur le champignon, contraints de tenter de petites options météo, de créer de micro décalages (voir les routes de Coville ou Bourgnon) pour combler leur retard.

 

Des facteurs restés dans l'ombre

A mettre au crédit de cette victoire il y a aussi quelques éléments restés plus discrets. Par exemple la confirmation qu'être devant dès le départ cela rend intelligent. Lionel Lemonchois lors de la conférence de presse de l'arrivée à Pointe-à-Pitre reconnaît "La situation météorologique a été plus favorable pour moi que pour mes concurrents au fil des jours (...). Ma position permettait d’augmenter l’avance". Ou encore les progrès phénoménaux des systèmes de pilotes automatiques qui ont, entre autre, permis à Lionel de prendre ses désormais fameuses "4 heures de blanc" sans pour autant se mettre sur le toit alors que dehors ça soufflait fort. Enfin la tranquillité d'esprit que lui a conféré sa situation de mercenaire contrairement à d'autres skippers qui ont sur les épaules le poids de toute une écurie voir qui sont propriétaires du bateau comme Alain Gautier qui avouait à l'arrivée « Moi, je suis propriétaire du bateau et, inconsciemment, j'ai été moins libéré. J'ai sûrement freiné alors qu'un pilote comme Lionel Lemonchois, à qui on confie une machine, était visiblement libéré de cette contrainte ».

 

L'analyse complémentaire de Liens de Mer

Tous ces points les médias s'en sont plus ou moins fait l'écho. Mais personnellement ce que je trouve, et de loin, le plus exceptionnel (finalement ce que je retiendrais de cette extraordinaire performance) c'est un drôle de paradoxe : Lionel Lemonchois c'était à la fois le moins expérimenté et le plus expérimenté des skippers engagés ! Explications.

Lionel a souvent navigué sur des trimarans mais manque d'expérience en solo sur ces engins (lire le dernier paragraphe d'un article rédigé avant le départ de la course) par exemple il a rarement été skipper (sauf en grand prix) et il n'avait jamais traversé l'Atlantique en solo à bord d'un trimaran. Il n'a pas non plus l'expérience d'un chavirage qui a fait renoncer plus d'un skipper à cette discipline (De Broc, Jean Le Cam, Armel Le Cleac'h) et qui a fait lever le pied à nombre de ses concurrents sur cette Route du Rhum comme ils l'ont reconnu lors des vacations en direct du large (Franck Cammas "je me sens pas d'aller plus vite") ou à l'arrivée (Michel Desjoyeaux "Il y a deux ou trois nuits où j’ai tellement réduit la toile que le bateau ne pouvait pas chavirer", Thomas Coville "Lionel et Pascal ... des tueurs ... qui ont su prendre des risques que j'ai pas oser prendre"). Le fait de ne pas avoir vécu dans sa chair cette expérience traumatisante, on ne pourra jamais empêcher un multicoque de se retourner, a joué dans son évaluation du niveau de risque : Lionel a paru complètement libéré et n'a avoué s'être fait peur qu'à une seule reprise, flirtant avec la limite, il s'est fait surprendre par la puissance du voilier juste après le passage d'un front.

Mais le paradoxe réside dans le fait que si Lionel Lemonchois a une expérience limitée du trimaran en solo, c'est pourtant lui qui a le plus d'expérience sur le plateau des bateaux engagés. Cette expérience lui a donné un ascendant psychologique supplémentaire, il le reconnaît lui-même :"j’avais aussi l’avantage d’avoir navigué sur plusieurs trimarans (NDLR lors de la Transat Jacques Vabre 2005 : 1er avec Pascal Bidégorry sur Banque Populaire IV, sur la course Londres-Nice 2006 : 1er avec Franck Cammas sur Groupama 2, il a aussi effectué des navigations sur Sopra d'Antoine Koch, sister-ship d'Orange Project de Stève Ravussin) et donc de bien connaître aussi l’état d’esprit et le comportement des autres solitaires. C’était un plus incontestable d’appréhender à la fois les qualités des bateaux et des skippers. Cela m’a permis de marquer des points aux moments les plus importants". Bref Lionel connaissait bien ses adversaires aussi bien les bonhommes que les voiliers et il a su en jouer comme d'une arme contre ses concurrents, ne se privant pas de leur mettre une pression supplémentaire savamment distillée lors des vacations dans la seconde moitié de course, j'entend encore raisonner un "Pascal (NDLR Bidégorry alors second sur les talons de Lionel) je suis sûr qu'il doit avoir un problème de voile d'avant (gennaker), ce n'est pas possible qu'il en soit autrement ... il se traîne !".

 

En navigation solitaire ce qui se passe dans la tête du marin est primordial et dans ce domaine aussi Lionel Lemonchois a été très très fort durant les quelques 7 jours 17 heures 19 minutes et 6 secondes qu'a duré cette transat express, écrasant ses adversaires par une sorte d'état de grâce soigneusement entretenu. D'ailleurs à l'arrivée certains observateurs ont noté que sa posture habituelle un peu voûtée, sa gestuelle emprunte et sa réserve ont volés en éclat assumant pleinement sa victoire (pourtant lui-même reconnaissait, peu avant de franchir la ligne, sa franche appréhension d'avoir à affronter la foule) ... Même la fatigue semblait ne plus avoir prise sur un Lionel au moral de vainqueur.

Tout se passe dans la tête c'est aussi ce qu'est en train de prouver à travers un autre exercice, mais toujours en solitaire sur l'eau et à la voile, Maud Fontenoy engagée dans un défi fou qui tient bon malgré 2 fractures, une au pied et l'autre à la main, alors qu'elle n'a même pas accompli 1/3 du parcours. Pour reprendre ses propres mots "ah tu sais je ne m'en fais pas trop, c'est le moral qui commande y compris au physique" !


___
(*) vous trouvez que cet article arrive un peu tard ? Et oui le net vous a habitué à l'instantanéité mais Liens de Mer, comme les magazines "voileux" dans leurs meilleures éditions papier, prend parfois le temps de digérer l'info, de se mettre en retrait pour porter un regard avec un peu plus de recul c'est ce qui fait la valeur d'une note.

samedi, 18 novembre 2006

Retour à bord de Chekspire


Tof c'est une autre image de la mer
où le rêve nait de la réalité


Tof est de retour dans l'archipel des Canaries et devant le succès rencontré par son carnet de bord de "débutant" de la grande croisière paru ici de décembre 2005 à mars 2006, il a décidé de reprendre la plume pour nous conter ses nouvelles aventures.

 

Plantons le décor

Après un été actif sur les routes et sur les planches à essayer de remplir un peu ses poches, Tof est de retour à bord de son voilier qui est resté sagement au port de Las Palmas de Gran Canaria. Il est grand temps de revenir à bord car il faut laisser la place à l'Atlantic Rally for Cruisers dont la flotte de plaisanciers doit occuper toute la Marina avant de mettre le cap sur les Caraïbes.

 

Vive la tradition

Pour ne pas faillir à la tradition et vous mettre l'eau à la bouche, je ne résiste pas à la tentation de vous citer un petit passage de ce premier épisode de la saison 2 (sélection toute personnelle mais très appréciée de Tof lui-même qui lorsqu'il passe devant un cybercafé vient consulter Liens de Mer pour savoir quel extrait a été choisit)

"Surtout le passage de l’ouragan qui nous a surpris alors qu’on se battait à l’aviron contre une meute de requins blancs déchaînés qui voulaient nous voler nos passeports et nous flanquer la turista."
... la bonne blague, ce passage juste pour nous rappeler que le carnet de bord est initialement adressé à sa môman et qu'elle ne doit pas lire les paragraphes qui figurent en italique.

 

Vous restez sur votre faim ? Alors voilà un vrai bon passage comme on souhaite pouvoir en lire beaucoup d'autres :
"on coupe le moteur. 17h20 nous remontons la pointe nord de l’île, face au vent. 8 nœuds de moyenne, que du bonheur. Retour des sensations de glisse, les hanches du bateau posées dans la houle (...). L’équipage de nature bavard trouve le silence, le dialogue intérieur s’installe, la proprioception se réveille : mâture, toile, masse de la coque deviennent des prolongements naturels de nos corps à travers une main sur la barre, le balancement régulier de notre centre de gravité, l’appui du vent sur la peau, les gifles de l’écume ..."

 

Retrouvez l'intégralité du carnet de bord de Chekspire Episode 1 - Saison 2

 

 

PS : contrairement à la saison 1, le carnet de bord ne sera pas systématiquement publié au format PDF, si les fichiers Word posent problème à certains lecteurs qu'ils me le signalent et je ferais l'effort de les convertir en PDF.

vendredi, 17 novembre 2006

A Capella, phénix de la Route du Rhum


Un trimaran, aussi légendaire que l'original,
qui ne veut toujours pas mourir

Alors que la Route du Rhum 2006 touche à sa fin (cf le classement avec la liste des marins encore en mer); Liens de Mer se lance dans un petit exercice : une revue de presse dans le sillage de la Route du Rhum.

 

Aujourd'hui premier épisode, une belle histoire restée discrète : A Capella encore sauvé des eaux (lire ... avant que cela ne devienne payant l'article du Monde).

 

Engagé dans la Route du Rhum, un problème de pilote automatique (comme Stève Ravussin) avait provoqué le chavirage du légendaire petit trimaran jaune, sistership du bateau de Mike Birch qui remporta la première Route du Rhum en 1978. A 200 miles du cap Finisterre, Charlie Capelle est récupéré par un autre concurrent : Philippe Legros et son monocoque classe 40. Il n'a alors qu'une idée en tête : sauver l'objet de sa passion, la passion d'une vie ! et lance un appel à l'aide sur son site vite relayé sur l'ensemble de la toile branche marine.

 

En début de semaine, le voilier-phénix a été localisé puis pris en remorque par un thonier-senneur de l'île d'Yeu. Il est arrivé mardi 13 novembre au matin, après dix jours d'errance à son port d'attache de La Trinité-sur-Mer. La dernière fois c'était VDH et son voilier Adrien [aujourd'hui en mer engagé dans un tour du monde à l'envers en solitaire entre les mains de Maud Fontenoy] qui avait assuré un remorquage à la voile (!), cette fois il aura fallu 10 tonnes de gasoil pour effectuer les 950 milles de l'aller-retour !

 

Charlie évalue la réparation des dégâts à 800 heures de travail, il le dit lui-même : c'est de "la cosmétique" ... au regard du nombre de vies de ce voilier et du temps déjà passé.