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samedi, 24 février 2007

Des conséquences d'un accident maritime


Le fantôme de la fortune de mer
incarné ici par le Cougar Ace

En parallèle du procès fleuve du naufrage survenu près de nos côtes au pétrolier Erika et de la marée noire qui s'en est suivie, je suis tombé sur un article des Echos (version papier) qui permet de "recentrer le débat" sur le transport maritime.



Les faits
Le constructeur automobile japonais Mazda vient de lancer un "avertissement" sur ses objectifs annuels revus à la baisse. Une des causes ? La fortune de mer survenue au Cougar Age entre le Japon et l'Amérique du Nord. Ce bateau transportait 4 703 Mazda toutes neuves, mais suite semble t'il à une erreur humaine de gestion des ballasts, le navire s'est couché sur le flanc (un inspecteur venu contrôler le bateau en sécurité en mouillage a même trouvé la mort ... après avoir glissé par-dessus bord !).

Les voitures ayant souffert d'une gite excessive, Mazda n'a pas souhaité prendre le risque de les commercialiser et les véhicules ont dus être retirés du réseau de vente habituel du constructeur. Pertes sèches de cette fortune de mer : 2 milliards de Yens (soit un peu plus de 12,5 millions d'€uros).

 

La réaction de Liens de Mer
L'économie possède ses propres règles, et sans sombrer dans le dogmatisme (qui croit en l'auto-régulation du marché ?), on voit bien que le transport maritime est, par nature, toujours risqué et ce ne sont pas les marins qui vous soutiendront le contraire.
Le transport par la voie des mers représente 80% du transport des biens de consommation à l'échelle mondiale il ne faut pas diaboliser toutes les entreprises et leurs dirigeant qui font naviguer leurs produits d'un continent à l'autre. Chacun, chacune intègre la dimension risque dans son activité et Total, société responsable au moins aux yeux de ses actionnaires, ne fait pas exception.
Si la tentation est grande de faire appel à des navires poubelles et à leur cohorte d'intermédiaires opaques on voit bien que le coup (coût ?) porté par un accident maritime à la rentabilité d'une entreprise est bien réel. Et les propriétaires des cargaisons qui ont tendance à affirmer que les problèmes de sécurité et d'environnement posés par le transport maritime ne les concernent pas, se font rappeler à l'ordre par des mésaventures comme celle survenue au Cougar Ace.

L'activité économique est régit par une équation, équation à laquelle doit forcément être intégré le risque maritime. Pas d'amalgame : tous les acteurs du transport maritime (armateur, affréteur, propriétaire de la cargaison, pays du pavillon ...) ne sont pas des "voyous", certains tiennent compte de cette équation et ont des attitudes responsables aussi bien vis à vis de leurs équipages, que de leurs clients ou encore de leurs actionnaires; les risques environnementaux sont eux plus rarement pris en compte. Inutile de crier "au loup" tout azimut, c'est l'augmentation délibérée des facteurs de risques sans contrepartie et par certains acteurs peu scrupuleux qui doit être condamnée aujourd'hui et encadrer par des lois internationales demains.

D'ailleurs dans le quasi naufrage du Cougar Ace on mesure bien que même lorsque les meilleures conditions sont réunies, personne n'est à l'abri d'une fortune de mer, cet épouvantail qui peut sérieusement grever les résultats financiers.


Pour aller plus loin
Au sujet du procès Erika, souhaitons, car l'enjeu est là en dehors des polémiques stériles, que le procès permette de clarifier les responsabilités de chacun des acteurs du transport maritime mais surtout qu'aux risques maritimes et de leurs coûts financiers directs, évoqués plus haut, s'ajoute la menace de devoir dédommager raisonnablement, à hauteur des dégâts causés et de la "contribution" de chaque acteur, les "tiers"; parce qu'en mer, on a tendance à l'ignorer, tiers il y a !


Et oui la mer était jusqu'à présent l'un des derniers espaces de liberté. Mais ce régime spécial où l'irresponsabilité régnait en maître, avec les conséquences désastreuses qu'on connait sur le milieu naturel comme sur les autres activités humaines (encore un abordage au large de nos côtes cette semaine), est condamné à court terme. Un changement radical dont le transport maritime compte tenu de certains de ses agissements et des risques qu'ils représentent, sera le pionnier emblématique.


un "Car Carrier" dans ses lignes
avec un skiff australien au 1ier plan
qui donne l'échelle

Une responsabilisation de la marine marchande qui permettra par effet de ricochet une prise de conscience valable, de gré ou de force (soyons responsables où la législation nous contraindra à le devenir), pour tous les usagers de la mer ... suivez mon regard vers les plaisanciers de tous poils grands pollueurs du littoral depuis leurs moteurs à explosion jusqu'à leurs excréments rejetés "tels quels" au mouillage, sans parler des matériaux et autres produits utilisés pour la construction ou l'entretien de leurs bateaux; ou encore de la course au large qui est loin d'être exemplaire en laissant dériver des voiliers retournés d'un bout à l'autre de l'océan faute d'assurance et par économie de moyens ... une belle preuve d'irresponsabilité collective et un drôle de paradoxe pour un sport qui se veut "propre" et a refusé par principe la manne financière d'un sponsor nommé ... Total.

 

Alors vacanciers amoureux de la mer, coureurs au large, plaisanciers; les voyous des mers "est-ce toujours les autres" ?

 

 

mardi, 09 janvier 2007

Rames Guyane ... leçons de mer


Navire usine

Pour ceux qui fréquentent un peu la mer, voici quelques enseignements à tirer de "l'aventure" Rames Guyane, cette traversée de l'Atlantique à la rame en solo; une course peu médiatisée mais qu'il était possible de suivre grâce au net (sur RFI, sur sailingnews.tv ou encore sur les sites Internet des concurrents).

 

La pression (pas celle que les marins boivent au bar !)

La pression au départ (1) a bien faillit transformer cette grande première et belle aventure en une tragédie avant même la première 1/2 journée avec un passage en force de la barre de Saint-Louis du Sénégal (vent du large +  houle "résiduelle" contre 4 noeuds de courant = grosse barre, les pêcheurs locaux ne s'y serraient pas risqué !). Les organisateurs ont été à 2 doigts de re-tenter le diable mais ont finalement sagement renoncés à une arrivée sur les plages de Guyane frangées de leurs gros rouleaux privilégiant une arrivée plus conventionnelle, au port.

Leçon n°1 : la mer possède ses raisons que les obligations que les humains se créent ont trop souvent tendance à ignorer.

 

La chute du grand favori

Emmanuel Coindre donné grand favoris au départ, confortable leader jusqu'au moment où ... par excès de confiance ? (plusieurs records à la rame à son actif), une vague plus grosse que les autres a entraîné son chavirage. Ses panneaux de pont étaient ouverts, le bateau s'est rempli : impossible de redresser le frêle esquif.

Leçon n°2 : en mer l'expérience est un faux ami. Pour tous les marins, débutants comme confirmés, sur l'eau la prudence est mère de toutes les vertus.

 

Etat de la mer

Romain Verger, brillant vainqueur grâce à une option par le sud aidé de ses routeurs, a rencontré lors de son parcours au ras de l'eau et au pas du marcheur :

. sur le plateau continental africain : des milliers de poissons morts rejettés par les bateaux de pêche industrielle (2)

. au beau milieu de l'Atlantique : un pare-chocs de voiture flottant à la surface de l'océan

. s'est fait très peur à plusieurs reprises en route de collision avec des cargos lancés à 25 noeuds qui manifestement n'effectuaient pas de veille radar (certain navigant même radar éteint puisque l'active écho de Romain, pourtant en parfait état de marche, n'a détecté aucun radar en fonctionnement à proximité !).

Leçon n°3 : 1. la mer se transforme en immense poubelle et 2. l'homme est parfois le pire danger pour l'homme.

 

Une prise de conscience de ces 2 dernières affirmations serait salutaire pour que, à l'échelle de notre petite planète terre, nous ne devenions pas nos propres fossoyeurs.

 

___ 

(1) un peu de présence des officiels -les huiles sont venues exprès et sont là aujourd'hui seulement !-, la fierté de l'organisation -"on tient nos engagements"-, ajoutez l'impatience d’y aller des concurrents et vous obtenez un savant mélange nommé pression … à déguster chaud.

 

(2) phrase "politiquement correcte" : c'est le bateau qui pêche et rejette à la mer des milliers de poissons morts et en aucun cas les êtres humains qui sont à son bord ! Imaginez les dégâts collatéraux que peut causer un chalutier géant comme l'Atlantic Dawn qui a une capacité de capture de l'ordre de 350 à 400 tonnes de poisson / jour (144m de long servi par un équipage de 61 personnes) : il pêche tout mais il ne "transforme" que certaines espèces ...