lundi, 24 juillet 2006
Bruno Peyron et Orange II : retour sur l'exploit (fin)
Comme promis voici donc la seconde et dernière partie : quelques réflexions sur l'exploit réalisé par Orange II lors de sa traversée record de l'Atlantique Nord.
Pourquoi et comment ce record peut-il être encore amélioré ?
Ce record paraît énorme et pourtant Bruno Peyron l'a dit lui-même il est possible de faire beaucoup mieux et de passer sous la barre des 4 jours pour traverser l'Atlantique à la voile dès aujourd'hui, voici quelques pistes.
Tout d'abord l'équipage n'était pas au top (si, si !), ayant tous pris l'avion dans la précipitation la veille du grand départ. Victimes du jet-lag les hommes de l'équipage n'étaient pas à 100% de leurs capacités.
Ensuite parce que la fenêtre météo bien qu'excellente n'était pas idéale. Bruno Peyron "Au total sur cette traversée, nous avons effectué 10 prises de ris et 13 changements de voile". Là où Fossett n'avait fait aucune manoeuvre et avait filer tout droit ! Particulièrement sur la fin où la ligne d'arrivée a été franchi par Orange II à coup d'empannages, là où Steve Fossett et son PlayStation avait fait un seul et unique bord !
Par ailleurs l'avarie de safran qui a eu lieu à mi-parcours, rendant le bateau délicat à la barre, a obligé Bruno Peyron à jouer la sécurité et à ralentir volontairement Orange II. Au final "On a perdu entre 6 et 8 heures avec cette histoire de safran" reconnaissait Bruno Peyron à l'arrivée.
Enfin Orange II a encore de la marge de progression. Bruno Peyron "J'avais fait le choix d'un bateau extrêmement fiable, ça se paie au niveau du poids. Et le poids, on peut en gagner beaucoup, on sait où et comment, mais on sait aussi combien ça coûte. Rien que sur le mât, on a 300-400 kilos en trop, c'est en outre un mât-cheminée qui n'a pas le meilleur profil en terme de vitesse."
Et pour couronner le tout l'expérience de navigation sur ce voilier Géant permet à chaque miles parcouru d'améliorer encore son potentiel. Le record des 24h a été battu en étant au dessus des polaires du bateau pourtant validées par un tour du monde et pas seulement parce qu'Orange II a été allégé de deux tonnes par rapport au Jules Verne, mais bien parce que plus la Dream Team navigue plus elle va vite !
Tous ces facteurs ajoutés ... et la barre de 4 jours pour traverser l'Atlantique à la voile vole en éclat.
L'homme Bruno Peyron
Si, comme nous venons de le voir plus haut, ce record n'est pas la perf de l'année, Bruno Peyron s'estime satisfait de ce résultat; d'abord parce qu'avec cette avarie de safran Orange II et son équipage auraient pu y rester et surtout parce que ce résultat laisse une marge de progression suffisante aux futurs adversaires !
Et oui chapeau bas M. Peyron ! Lui qui depuis de nombreuses années est frustré de ne pas avoir de concurrence sur l'eau dans la fameuse G-Class, lui qui rêvait de confronter les multi-coques géants après sa débauche d'énergie qu'était The Race et bien aujourd'hui encore il continue de croire en l'avenir de ces maxi voiliers. J'en connais qui pour moins que ça seraient devenus aigris ... et bien non, lui sans ressentiment encourage les nouvelles écuries : Pascal Bidégorry était à bord lors de ce record (nous y reviendrons) et Franck Cammas en voisin de ponton à Lorient a aussi navigué sur Orange II !!
Ce grand homme de mer (3 Jules Verne, 3 records de l'Atlantique dont 2 en solitaire ... quand même) s'est aussi révélé lors des vacations vidéos sur ce record excellent en relations publiques. Pourtant, surtout les 2 premiers jours, mettre le casque sur les oreilles, prendre le micro et regarder la caméra n'était pas un exercice facile (je l'entends encore : "Excusez-moi j'interrompt l'ITW" 30 sec plus tard "Oui je n'entendais plus l'eau sous la coque, elle décolle, nous sommes un peu limite. Alors pour en revenir à votre question ...") mais il a été là comme ailleurs (je pense en particulier aux choix techniques et à la gestion des hommes) irréprochable : pédagogique, courtois, disponible, tout ça avec la fatigue (il n'a quasiment pas dormi car il lui faut 3 jours pour prendre un nouveau rythme de sommeil); bref Bruno Peyron un grand Homme et pas seulement de mer.
Prochains objectifs ?
Déjà détenteur de nombreux record : Tour du Monde sans escale (Jules Vernes), record absolu des 24h, traversée de l'Atlantique Nord la plus rapide de l'histoire; que faire après ?
Et bien passer la barre des 800 miles en 24h "je reste aussi optimiste quant au record des 24 heures : sur cette journée, nous avons effectué huit manœuvres, il y a de la marge…" ou bien descendre le record de l'Atlantique sous la barre des 4 jours ... lorsqu'il sera attaqué par d'autres.
Mais aussi se lancer sur d'autres records pour bien figurer dans le tout nouveau et tout premier Championnat du monde des records.
Ou pourquoi pas essayer de battre le record de distance à la voile en 24h en solo sur le géant Orange II. Bruno Peyron évoquait ce projet fou cet hiver ... peut-être va t'il maintenant devenir d'actualité !
Quelques hommes d'équipage
Enfin pour terminer ces 2 chroniques je souhaitais attirer votre attention sur quelques hommes d'équipage
2 hommes qui battent pour la seconde fois ce record (ils l'avaient réalisé sur d'autres engins) :
. Bernard Stamm aussi détenteur du record en monocoque 60 pieds
. Jacques Caraes aussi détenteur du record à bord du maxi monocoque Mari-Cha IV.
Gens qui rient et gens qui pleurent
. Pascal Bidégorry était présent sur ce record (bien que futur concurrent) et cela "grâce" au chavirage de son trimaran Banque Pop sur la Multi'Cup à Nice
. Lionel Lemonchois qui selon toute vraisemblance avait sa place à bord, était lui concurrent sur l'Odyssée Cannes-Istanbul (course en double en Figaro) dont il termine 3ième associé à Bertrand de Broc ... Non seulement pas de record à la clef pour lui mais une course pénible en Méditerranée avec beaucoup de moteur et d'attente entre pétole et coups de vents.
18:05 Publié dans 1. Regards sur la Mer | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : record à la voile, catamaran géant, g-class, océan